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Que cherche Riyad dans l’est de son royaume ?

Le raid des forces saoudiennes contre al-Awamiyah, le 10 mai 2017. ©middleeastmonitor

Ce qui se passe dans l’est chiite saoudien relève d’un pogrom : la répression sanglante des habitants d’al-Amamiyah est symptomatique de l’état chaotique sur fond duquel Mohammed Ben Salmane s’apprête à prendre les rênes du royaume. 

Les informations se multiplient sur l’œuvre de destruction systématique menée par Riyad à al-Awamiyah : les maisons incendiées, ou pilonnées à coup de roquettes, les mosquées détruites, les habitants forcés à quitter la ville. Une épuration ethnique et confessionnelle est en cours comme on en voit en Palestine ou encore au Myanmar. Le prétexte ? La mort des agents de sécurité que le régime de Riyad attribue sans preuve aux habitants et qu’il cherche, de la sorte, à venger. 

Mais pourquoi ce règlement de compte ? Le jeune prince héritier qui s’apprête à monter sur le trône, a peur de la colère populaire. Quelques jours avant son départ en vacances, le roi Salmane a donné l’ordre de créer un organe de sécurité, un de plus dans un pays où la sécurité est l’apanage de plusieurs instances qui travaillent non pas en harmonie, mais de façon parallèle et souvent de manière à mettre le bâton dans leurs roues respectives. Pour les analystes, cette initiative pourrait s’interpréter de plusieurs manières : il y a d’abord là un aveu d’impuissance de la part du roi qui reconnaît n’avoir pas confiance ni en son appareil de renseignement ni en son ministère de l’Intérieur. Alors qu’il s’apprête à abdiquer en faveur de son fils, il cherche visiblement à remettre le destin de ce dernier en main sûre pour éviter que le jeune Mohammed n’ait à subir les foudres d’une famille royale qui n’a toujours pas digéré le coup d’État anti Ben-Nayef du roi.

Car la vérité est que le royaume va terriblement mal et les signes de ce malaise se multiplient : comme toute dictature ayant senti le danger s’approcher, le régime saoudien se cherche un protecteur et c’est en la personne de l’excentrique Trump qu’il croit avoir trouvé le « salvateur ». Middle East Eye partage cette analyse et pressent « une colère et un mécontentement de masse qui couve » : Le roi Salmane léguerait à sa progéniture un État quasi exsangue qui a commis quatre pêchés : ce royaume a foulé les droits des minorités et les a défiés en allant même jusqu’à décapiter leurs chefs et leaders. En outre, Ben Salmane a terni le prestige et l’image du royaume à titre de gardien des lieux saints musulmans, en l’engageant dans des aventures guerrières sans lendemain. Le royaume n’aurait pas dû s’acharner sur le Yémen ni sur la Syrie, deux nations arabes et musulmanes. Et puis le roi veut tout pour lui et ses fils et refuse de partager. La manière dont l’ex-prince héritier a été écarté du trône a du mal à passer même auprès des proches de Salmane. D’où la purge déclenchée par le prince Mohammed au sein des appareils étatiques qu’il veut « homogènes » et qu'il « rallie totalement à sa cause » : le dernier « acte de nettoyage » en date serait l’éviction du chef de la garde nationale, l’un des proches de Ben Nayef.

Tout ce chaos est mis sur le dos des chiites oubliés de l’est saoudien que le futur jeune roi compte régler. En tuant les chiites, en diabolisant à tort et à travers l’Iran, Ben Salmane s’efforce de se refaire une santé auprès de l’opinion saoudienne encore traumatisée par les récents événements. Car on ne le dit pas assez, mais les muftis wahhabites sont loin de cautionner la manière dont s’est déroulée la passation du pouvoir entre Ben Nayef et Ben Salmane. En s’acharnant sur les chiites, en menaçant l’Iran, le prince Mohammed espère pouvoir attirer leurs faveurs et en même temps, renforcer ses assises.

Mais est-ce la bonne méthode ?

Mise à part la portée hautement explosive d’une politique anti-iranienne à outrance, on constate que le futur roi Mohammed joue avec le feu : la province chiite d’al-Awamiyah, à l’est d’Arabie, est à deux pas de Bahreïn. Géographiquement parlant, il n’y a qu’un pont qui sépare les deux contrées. Cette proximité géographique a créé au cours des âges une proximité culturelle. Les gens d’al-Awamiyah tout comme les Bahreïnis n’ont pas peur de mourir quand il s’agit de défendre leur honneur et leurs droits. À Bahreïn, l’ex-roi Abdallah d'Arabie a semé le vent pour récolter la tempête quand il a décidé d’envoyer ses troupes réprimer le soulèvement pacifique de la population. Ben Salmane est-il assez fou pour lui emboîter le pas et d’allumer la mèche d’une guerre civile à al-Awamiyah ? Dans le contexte où Ben Salmane a confirmé le décret de la mort de 14 jeunes chiites à al-Awamiyah, la réponse serait, hélas, positive.

Jaafar Ghanad Bachi, l’analyste iranien de l’Asie de l’Ouest

Traduit par PressTV français

Source des photos : Al Alam

Drone saoudien attaque une voiture à Qatif.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV